Le toucher pianistique

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II. LE TOUCHER ET LA TECHNIQUE


B. Origine et évolution de la technique du piano

3. Troisième période : théorisation de la technique et recherches pédagogiques.


C’est dans la deuxième moitié du XIXe siècle que sera élaborée, pour la première fois, une théorie sur la technique du piano. Elle s’intéressera aux mouvements, non seulement des doigts, du bras, du dos mais aussi des articulations (poignet, épaule). Ce qui est visé, c’est la prise de conscience de tous les mouvements intervenant dans le jeu du piano et leur explication. Ludwig Deppe (1828-1890) est le chef de file de cette école. Ce chef d’orchestre à Berlin introduit également dans la technique pianistique l’utilisation du poids du bras. En Angleterre avec Tobias Matthay, Professeur à la Royal Academy et en France avec Marie Jaëll, on retrouve ce même courant. Il est nécessaire de souligner que la nouveauté n’est pas dans la manière de jouer du piano : Frédéric Chopin et Franz Liszt utilisaient aussi le poids du bras. C’est la constitution d’une méthode élaborée à partir de l’expérience du jeu pianistique qui représente la nouveauté en matière de pédagogie.


Marie Jaëll (1846-1925) fut la secrétaire de Franz Liszt et grande admiratrice de son jeu. Pianiste elle-même et mariée à un célèbre pianiste, Alfred Jaëll, elle publia en 1893 son premier ouvrage qu’elle intitula Le toucher, nouveaux principes pour l’enseignement du piano. Ses travaux sont le fruit d’une recherche sur le toucher à travers des expériences nombreuses. Marie Jaëll analyse toutes les possibilités de contact des doigts sur les touches par un système d’empreintes et élabore une méthode du toucher. Celle-ci a pour objectif d’expliquer toute la gestuelle du pianiste avec une prise de conscience de ses mouvements. Elle pense qu’il est alors possible de réaliser un travail sur le geste qui est mis en relation avec la sonorité et l’expression du texte musical. Sa conviction est qu’en corrigeant un geste, on peut obtenir une bonne sonorité, même si l’oreille n’est pas suffisamment développée. Sa méthode permettrait de palier à cette insuffisance. Elle attribuait en outre au « bon geste », la vertu de rendre plus claire la pensée musicale.


Marie Jaëll, au fur et à mesure de ses publications avance toujours plus loin dans ses conclusions sur les sensations tactiles et il nous semble que ses sens, exacerbés par une quête obstinée, l’éloignent d’une certaine objectivité :

Quels progrès prodigieux se sont produits depuis mon travail de vendredi[…] on aurait vraiment dit que mes mains n’ont pas encore vécu la musique jusqu’au moment où cette harmonisation vraie, cette musique faite chair ou cette chair faite musique a été acquise. Il me semble qu’on peut aller loin dans cette voie et je suis effarée à l’idée de toucher des résonances qu’on pourrait sentir entre les doigts.  [12]


Quelques années après ces publications, une autre génération de pianistes (Blanche Selva, Émile Bosquet, Townsend…) prend appui sur ces recherches et continue la réflexion. Celle-ci se fait par le biais de révisions et d’amplification des idées précédentes mais aussi de divergences qui permettent de resituer les propos sur la technique dans un contexte plus rigoureux, celui qui est défini par la réalité physique du piano : seule la vitesse d’enfoncement de la touche permet de varier les effets d’un toucher.   

Ainsi se fait l’avancée de la « technologie »13 et la génération suivante, familiarisée avec les principes modernes et pratiquant régulièrement ce qui était révolutionnaire il y a vingt ans, en rectifie les exagérations.





12 Kiener Hélène, Marie Jaëll, problèmes d’esthétique et de pédagogie musicales, Nantes, Editions de l’Arche, 1989,  p.153.


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