Le toucher pianistique

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I. LE PIANO : HISTOIRE ET FACTURE


A. Rappel de l’historique du piano

Au début du XVIIIe siècle, vers 1709, Bartolomeo CRISTOFORI, un facteur de clavecin qui était au service de Ferdinand de MÉDICIS à Florence, inventa son gravicembalo col piano e forte (clavecin à clavier jouant piano et forte). Pourtant cet instrument qui portait le nom de clavecin s’en démarquait nettement puisque sa mécanique le classait dans la catégorie des instruments à cordes frappées. Malgré cette distinction, il ne prendra le nom de « pianoforte » qu’une vingtaine d’années plus tard.

Ce premier piano était très proche du clavecin et pouvait même en rappeler la sonorité, sans en avoir la puissance. Du point de vue de la facture, Le gravicembalo col piano e forte s’inscrivait dans la lignée du clavicorde. Comme pour ce dernier, les cordes étaient frappées : par des marteaux pour le gravicembalo et par des tangentes (lames métalliques) pour le clavicorde. Cette percussion des cordes rendait possible la réalisation de nuances d’ordre dynamique grâce aux différentes possibilités d’attaque de la touche et au jeu des pédales. Toutefois la puissance de sonorité de l’instrument ne dépassait pas la nuance piano du clavecin. Cela ne découragea pas ses adeptes qui étaient séduits par la spécificité de sa sonorité.

Il n’y eut pas un engouement immédiat pour ce nouvel instrument. On raconte que Jean-Sébastien BACH eut l’occasion d’essayer le pianoforte en l’année 1736 à Dresde et que, dans un premier temps, il ne sembla en apprécier ni la sonorité, ni la mécanique. Mais son opinion évolua puisque peu de temps avant sa mort, il rendit hommage à l’instrument lors d’une visite au roi Frédéric II le GRAND, à la cour de Postdam en 1747.


Le pianoforte mettra pratiquement cinquante ans à s’imposer. Il y a deux raisons à cette lente progression :

- Il fallut beaucoup de temps aux facteurs pour faire du pianoforte un instrument harmonieux doté d’une puissance au moins égale à celle du clavecin.

- Au fur et à mesure de ses transformations, le pianoforte devint plus convaincant, mais il faudra attendre la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour que les compositeurs se déterminent en sa faveur. Après une période de transition pendant laquelle les œuvres furent écrites pour « clavecin ou piano », l’individualisation se précisa. Ce sont les indications liées à la dynamique qui permettent de situer la dissociation des répertoires du clavecin et du piano. En effet, puisque le pianiste peut, par son toucher modifier le son dans son intensité, on peut remarquer que les variations de nuances, dans les œuvres écrites vers l’année 1780 sont clairement indiquées. Viennent ensuite les indications de types d’attaque : tenuto, staccato, legato.


Tout ce temps fut nécessaire aux facteurs pour régler les problèmes qui surgissaient au fur et à mesure des exigences des compositeurs. Ces difficultés se jouaient autour de deux problèmes antinomiques :

- D’un côté le souhait, de la part des pianistes, d’obtenir une sonorité puissante.

- D’un autre côté la nécessité d’une mécanique légère pour être en mesure de réaliser des subtilités dans le jeu pianistique.


Pour développer la puissance de l’instrument, il fut nécessaire de renforcer les cordes. À la fin du XVIIIe siècle, Sébastien ERARD utilisait déjà les cordes triples. Cela eut pour conséquence d’augmenter la tension des cordes et nécessita le renforcement du cadre qui devait supporter davantage de tension. Mais dans le même temps, cela alourdit le système de frappe. D’autre part, puisqu’une des particularités du pianoforte consistait à pouvoir offrir au pianiste la possibilité de varier le dynamisme de son toucher à travers les jeux legato et staccato, la mécanique devait pouvoir répondre à ces effets.

Il devenait alors nécessaire de résoudre certains problèmes afin de garder une mécanique nerveuse, légère et égale, pour répondre aux désirs des pianistes et des compositeurs.

Les nombreuses recherches aboutirent à un grand nombre de découvertes, dont les brevets furent déposés tout au long de cette première moitié du XIXe siècle. Nous en résumons quelques-uns  :

- En 1822 Sébastien ERARD inventa le double échappement, dont le principe fut ensuite perfectionné par Henri HERTZ. Le double échappement fut essentiel pour le piano car il permit la répétition rapide des notes et apporta la souplesse et la légèreté de la mécanique que réclamaient les virtuoses de ce début de siècle. [1]

- La puissance sonore s’élargit : le métal s’ajouta au cadre pour pouvoir soutenir la tension des cordes (brevet déposé par Alpheus BABCOCK en 1825 pour un cadre en fonte). Ces dernières augmentent de diamètre, se firent obliques et croisées (1828 : invention d’Henri PAPE ). L’utilisation de deux ou trois cordes par note permit d’homogénéiser la sonorité du piano dans toute l’étendue de sa tessiture.

  1. -Le feutre remplaça le cuir des marteaux en 1826.


Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, on ajouta au piano à queue une troisième pédale dite tonale. Celle-ci provoque le retrait des étouffoirs uniquement pour les notes jouées. On peut alors dire que les bases du piano moderne sont posées.


Cette longue recherche a duré presque un siècle. De nombreux facteurs y ont participé. Ils sont parvenus à élaborer un instrument qui puisse d’une part, avoir de grandes possibilités de contraste dans les nuances et d’autre part, émettre des sons tenus mais aussi des sons courts. Mais le piano récompensa largement leurs efforts. Cet instrument, une fois parvenu à son perfectionnement, eut bien des retombées sur la vie musicale. Il exerça une sorte de fascination et conduisit les compositeurs à de grandes nouveautés sur le plan de l’écriture.




1 Nous en expliquons le principe dans la partie suivante réservée au mécanisme du piano.




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