Le toucher pianistique
IV. INTERVIEWS RÉALISÉES AUPRÈS DE PIANISTES PROFESSIONNELS
B. Résumé des réponses à l’interview
Pour présenter les réponses des pianistes, nous avons articulé notre questionnaire autour de six points qui en résument l’exploration :
1. Emploi du concept de toucher
Il était important dans un premier temps de vérifier si le concept de toucher était employé dans la pratique instrumentale des cinq pianistes et dans leur enseignement, puisque tous, en dehors de leur carrière de concertiste, occupent un poste d’enseignant.
Les réponses unanimement positives, nous indiquent toutefois que le terme de toucher, s’il est employé, ne l’est pas de façon identique pour les cinq pianistes. Il faut signaler que quatre des pianistes enseignent en Conservatoire et ont des élèves de niveaux différents : de débutants à confirmés. Dominique Merlet, quant à lui, enseigne à Genève, en classe dite de Virtuosité et en Master Class. Il rencontre souvent dans son activité d’enseignant, des pianistes faisant déjà carrière. Leur cursus de Conservatoire est terminé et ils sont souvent Lauréats de Concours prestigieux.
De ce fait, le discours pédagogique n’intervenant pas dans le même niveau instrumental, il s’adapte en fonction du niveau de technique de l’étudiant et de son âge.
Ainsi, Dominique Gerrer, qui a régulièrement des cours de débutants, met d’abord l’accent, lors des premiers cours, sur une prise de conscience des sensations au niveau des doigts : « Je demande à mes élèves : Est-ce que tu sens tes doigts bouger ? Est-ce que tu sens une pression au bout des doigts quand tu joues ? » Il s’agit là du toucher dans son sens général : toucher le clavier et ressentir le contact des doigts sur le clavier puis pour une perception plus fine, elle demande à ses élèves s’ils sentent la petite pression exercée par leurs doigts sur les touches du clavier.
Les autres enseignants évoquent d’emblée le « toucher pianistique ».
Michel Gaechter le dit en ces termes : « Pour moi et dans mon enseignement […] L’important [dans le toucher] est de prendre conscience, qu’une fois que le marteau a frappé la corde, on ne peut plus rien faire. »
Tandis que Dominique Merlet, qui ne côtoie que des niveaux confirmés, l’inclut totalement dans son enseignement : « Il prend la place essentielle car je ne m’occupe plus tellement, dans mon travail, de faire faire des tierces et des octaves, les élèves doivent l’avoir fait […] Tout mon travail est un travail de style, de connaissance du style et des œuvres, mais ensuite, le travail du son, c’est le toucher. »
Amy Lin en parle « mais n’en fait pas une priorité », tandis que Dany Rouet « lui accorde une grande place, jamais dans l’absolu et toujours au service d’un objectif musical. »
Il est intéressant de noter que pour Michel Gaechter, on retrouve d’ores et déjà une orientation qui s’affirmera tout au long de son interview, comme un leitmotiv : mettre l’accent sur le peu de temps dont dispose le pianiste pour donner une couleur à son toucher.