Le toucher pianistique

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LES INTERVIEWS


Entretien avec Dominique Gerrer

Dominique Gerrer étudie le piano dans la classe de Eva Gyorffy à Colmar où elle obtient le prix d’excellence.

Elle poursuit, à Strasbourg, de brillantes études auprès de Dominique Merlet, obtenant le Premier Prix et le Diplôme de Capacité à l’unanimité.

Elle se perfectionne ensuite en Suisse auprès de Louis Hiltbrand et remporte le Prix de Virtuosité de Genève.

Titulaire du Certificat d’Aptitude à l’Enseignement de la musique dans les lycées et du Certificat d’Aptitude à l’enseignement du piano, elle exerce à présent en École Nationale de Musique.

Elle donne en soliste de nombreux concerts, tant en récital, en musique de chambre, qu’avec orchestre.

Elle se produit aussi bien en France qu’à l’étranger.




1- Employez-vous ce mot ?

J’emploie le mot toucher, toucher le piano, manier les touches. C’est une chose importante pour les élèves d’ouvrir la main, d’avoir la main ouverte, prête à recevoir des vibrations et puis forcément, si on touche quelque chose, même si ce n’est pas un piano, on sent quelque chose.



2- Que représente le toucher pour vous ?


3- A-t-il une place dans votre enseignement ?

Dominique Gerrer traite les deux questions en même temps.]


Le toucher pianistique, c’est vraiment une sensation. J’en parle vraiment beaucoup dans mes cours, même tout au début, dans l’apprentissage, je demande à mes élèves : « Est-ce que tu sens une pression au bout des doigts quand tu joues ? Est-ce que tu sens tes doigts qui bougent ? ».

Évidemment le toucher, c’est tout un ensemble de choses, il y a les bras, il y a tout le corps qui vient avec le toucher, mais c’est dans le bout du doigt que tout se concentre. Il faut s’adapter au petit levier de la touche. Si on ne fait qu’enfoncer et relever, cela ne suffit pas pour avoir une sonorité. Le toucher c’est d’abord une sensation qui s’obtient avec un geste qui est plus ou moins grand.

Pour les doigts, il y a un mouvement. Il ne suffit pas d’un geste vertical pour enfoncer la touche, le geste est aussi horizontal, circulaire parce qu’il faut que ce soit le plus harmonieux possible. La main qui prend, ou la main qui va vers le fond du clavier : tirer-pousser, comme on le dit du mouvement de l’archet. C’est le flux, le reflux, le va-et-vient, et en même temps il faut avoir la précision.

Tout dépend de ce que l’on veut obtenir. Le mouvement sera plus sec si c’est un son court, il peut être martelé, comme la mécanique du piano, il y a plusieurs sortes de touchers qui sont liés à ce que l’on veut obtenir en sonorité, en expression, bref, c’est tout l’art de la musique.

Le toucher c’est le point de départ pour tout réaliser. Sans le toucher, sans cette réflexion, cette écoute de sonorité, c’est vrai qu’il n’est pas possible d’arriver à exprimer quelque chose. Le toucher on le trouve par rapport à l’expression que l’on veut donner, il est déjà intérieur, c’est une perception que l’on porte à l’intérieur avant d’en avoir la réalisation concrète, c’est une circulation continue.


4- Le toucher : est-ce un geste ? Une sensation ?

Dominique Gerrer y a répondu déjà précédemment.]


5- Vous êtes concertiste et à ce titre vous devez à chaque concert jouer sur un instrument que vous ne connaissez pas. Est-ce que l’adaptation à un nouveau clavier perturbe beaucoup les repères de votre toucher ?

Il y a deux choses lorsqu’on se trouve devant un piano que l’on ne connaît pas et qui reflète plus ou moins ce que l’on veut obtenir. On peut soit en faire abstraction et sublimer (en cas de mauvaise qualité de l’instrument) ou bien s’adapter à une autre sonorité, à une autre façon de faire sonner le piano.

Quand on a un piano qui ne répond pas comme on le souhaite, je crois que tout ce pétrissage de « la pâte sonore » que l’on cherche dans le mouvement lorsque l’on creuse la sensation du toucher, parfois ne sert à rien. Quand on a un piano qui ne répond pas, il faut faire abstraction de cela. Cela n’est pas renoncer mais s’adapter à la sonorité que l’on a. Il faut oublier les sensations habituelles que l’on connaît et essayer de donner l’expression de la même façon, et il s’avère que l’auditeur fait aussi abstraction du son qui n’est pas très bon, mais réel parce que l’expression et l’intention musicale ont su dépasser le matériel qui, au départ, n’était pas très bon. On éprouve un sentiment de frustration mais on peut jouer et donner par l’expression ce que l’on a en soi.


6- Il faut des mois à un violoniste pour obtenir un son juste dans sa hauteur et dans son intonation et autant de temps pour avoir une sonorité correcte. Pour le pianiste, le son est juste et correct dès le premier instant. Pensez-vous que ce soit un avantage pour ce qu’il en est de ses qualités d’écoute et de toucher ?

C’est un avantage dans la mesure où il y a un effort à faire en moins, mais c’est un inconvénient dans la mesure où l’on peut croire que l’on n’a plus rien à faire.

Je crois vraiment que l’exigence d’écoute est encore plus grande avec le piano dans la mesure où l’on n’a pas cette correction de justesse à donner et que c’est plus subtil d’arriver à modifier la sonorité grâce au toucher. Donc ces qualités d’écoute sont encore plus nécessaires… Finalement, cela n’est pas forcément un avantage ! C’est une facilité au départ et souvent les débutants ont du mal à parvenir à l’écoute, il leur faut d’abord dépasser les difficultés motrices et pourtant c’est primordial.

Certes, il y a un toucher naturel aussi. Il y a des enfants qui mettent la main sur le clavier et c’est tout de suite beau, ils ne font pas d’effort. Mais dans la technique pianistique, il y a le contrôle du legato qui est la chose la plus difficile à faire au piano. Il y a le toucher profond et le toucher contrôlé pour le jeu legato, et pour les jeunes qui ont moins le sens du toucher, c’est vraiment très difficile alors que pour ceux qui ont des qualités naturelles de toucher, ce travail est simplifié.


7- Quelle est la place de l’ouïe dans le toucher ?

L’écoute est vraiment indispensable, c’est l’écoute qui compte. On peut jouer les yeux fermés. C’est la sensation qui compte. C’est la concentration dans l’écoute qui est importante et souvent, les pianistes ont tendance à ne pas assez écouter. Pour les autres instrumentistes, c’est sûr, ils ne peuvent faire l’économie de l’écoute, mais au piano il y a le sens du doigté, la perception de l’échelle sonore qu’il faut avoir intérieurement aussi. Si un débutant joue une tierce, ou une sixte, il est important pour lui de sentir cet intervalle pour parvenir à le donner, à tirer cet arc qui est entre tous ces sons. Le danger est de jouer mécaniquement, sans s’écouter.

La place de l’ouïe est primordiale, mais il est vrai que les enfants ont aussi besoin de regarder. Parfois ils soulèvent même la main pour regarder en dessous, ils font cela pour des raisons géographiques, pour s’assurer qu’ils sont sur la bonne touche, pour trouver leur chemin. Mais il faut que l’ouïe remplace le regard. Je leur dis que leurs doigts doivent avoir « leurs propres yeux ». Il y a une sensation différente pour chaque doigt et il faut arriver à avoir la régularité dans la sensation différente. Il y a un toucher différent dans tous les processus de la technique : les accords et tous les pans de la technique.


8- Est-ce que le toucher peut s’entendre ?

C’est une question à plusieurs niveaux. Un pianiste lorsqu’il pense intérieurement à son jeu, à sa musique, pour moi, cela se passe dans les mains, c’est incarné. Il vit intérieurement ce qu’il joue à travers les sensations digitales, donc à travers le toucher.

Je pense que le toucher peut s’entendre parce que grâce à la sensation il peut entendre ce qu’il joue, ainsi que la sonorité et l’expression qu’il désire donner.

Je crois aussi qu’un auditeur exercé peut entendre et reconnaître un pianiste qui se différencie par sa sonorité donc par son toucher.


9- Quelle est la place du regard dans le toucher ?

Pour celui qui joue, le regard n’a pas grande importance si ce n’est pour diriger le geste. Mais une fois que l’on connaît son clavier, on peut pratiquer sans regarder. Mais si c’est vraiment le toucher intérieur, la sensation qui apporte une sonorité, ce n’est pas en regardant le geste que l’on va apporter quelque chose de nouveau.


10- Est-ce que le toucher peut se voir ?

Si l’on parle de celui qui écoute et voit jouer, là on voit les mouvements, les gestes qui apportent l’expression, et cela se voit. Un toucher c’est personnel et les gestes également.


11- Marie Jaëll a consacré une grande partie de sa vie de pédagogue à réfléchir et élaborer une technique du toucher. Elle étudia avec minutie toutes les sensations tactiles, travaillant notamment sur les empreintes laissées par les doigts sur le clavier dans la situation du jeu pianistique. connaissez-vous son travail de recherche ?

Pensez-vous que l’on puisse transmettre le toucher par l’apprentissage de la gestuelle ?

Je connais un peu, j’ai même rencontré Hélène Kiener, qui a écrit son livre Problèmes d’esthétique et de pédagogie musicales.

Il y a eu une adaptation de sa méthode qui est compliquée pour les enfants. Dans l’optique de Marie Jaëll, on se concentre vraiment sur la sensation.

Le sentiment corporel est primordial. Mais si l’on part vraiment de l’impact du doigt dans la touche pour obtenir un son, il faut chercher le mouvement. En fait pour moi ce serait plutôt le son qu’on obtient qui va conditionner le mouvement. Je ne peux pas penser le mouvement avant d’avoir le son.

Apprendre le geste pour obtenir la sonorité, dans la mesure où le toucher est un geste, oui, mais je crois qu’il faut faire attention à ne pas se perdre dans le geste. Quelqu’un qui n’est pas bien dans son corps aura des difficultés avec le toucher, car le toucher dépend d’un état personnel.

Si on veut une sonorité pleine, il faut respirer, être bien dans son corps, avoir le poids du bras, c’est une notion technique primordiale. J’ai travaillé à Genève avec Louis Hiltbrand, et pour lui, la sensation du poids du bras (et les sensations de la main, qu’il faut avoir bien préparée) est primordiale pour obtenir un son libre qui puisse traduire toutes les situations qu’on cherche à exprimer dans la musique.

Dominique Gerrer parle de la hauteur d’assise et d’autres points de la tenue…]. Chacun trouve par sa position.

La gestuelle est importante, et si l’on pense à la façon dont on enfonce une touche, le geste est d’abord une respiration. Je parle du geste vital et naturel du corps humain mais ce n’est pas une gestuelle. Le geste pianistique est au service d’une sonorité que l’on veut obtenir. C’est parce qu’avec tel geste on a obtenu telle sonorité que l’on va trouver autre chose. Je n’ai pas envie de dire que c’est avant ou après. Le but, c’est d’arriver à la disponibilité physique totale, pour être disponible à la musique, et c’est autant une disponibilité intérieure, spirituelle que physique.

Si l’on veut traduire un texte musical que nous a laissé un compositeur, on essaye d’être au service de cette expression, on « devient » aussi cette expression, il n’y a plus de frontière entre l’instrument et le corps et c’est vrai qu’au piano, c’est peut-être plus difficile qu’avec un autre instrument dans la mesure où on ne le porte pas. Le violon on l’a dans son bras gauche, on a l’oreille dedans. Parfois j’aurais envie de me mettre dans le piano pour être dans l’instrument. C’est difficile de tout détailler par l’analyse car tout est lié.


12- Pensez-vous que le toucher pianistique soit uniquement un savoir-faire technique ?

Non je ne crois pas, pas seulement, bien sûr la technique est très importante. Il faut l’aisance mais c’est toujours au service d’une expression.

On peut apprendre à toucher un piano, on peut apprendre à avoir une sonorité aussi proche de ce que l’on désire faire entendre, mais chaque être, pas son expression intérieure, va donner une autre lumière, une autre couleur à l’expression. C’est ce que l’on est intérieurement, ce que l’on a entendu, pu connaître et appris qui fait que l’on a tel ou tel toucher.

Comme on dit que l’on enseigne ce que l’on est, je crois que l’on joue de son instrument comme on est. Cela me fait penser qu’aujourd’hui, dans les grands concours, il y a un savoir-faire fabuleux, mais il manque souvent la poésie.


13- Dans un livre intitulé La beauté du geste, Catherine David tente de rendre compte d’une double expérience personnelle : la pratique assidue du piano et du taï-chi-chuan. Elle écrit : « en même temps que le nom des choses, nos parents nous ont transmis une certaine manière de toucher. » Que pensez-vous de cette phrase ?

Oui, absolument. Toucher, c’est une qualité d’être. Si l’être humain apprend par imitation, la qualité du geste sera aussi imitée, apprise et avec elle, le respect de la préhension des choses sera aussi transmis. On peut par la musique, travailler sur soi-même : travailler un jeu nerveux par exemple, mais la façon d’être de toucher, c’est fondamental. Glenn Gould qui avait une attitude singulière dans sa façon de vivre, qui semblait très phobique, lorsqu’il jouait, il pouvait entrer dans la musique en état d’harmonie, et c’est quelque chose qu’il semblait avoir du mal à trouver dans la vie de tous les jours.

Il peut y avoir une qualité artistique en dehors de la qualité humaine. L’être humain semble intérieurement posséder, même si cela ne se traduit pas dans sa vie, des qualités formidables et qui se révèlent dans une activité artistique. Je pense que c’est possible.

On peut avoir deux facettes très différentes, d’une part dans sa vie, l’autre dans sa vie professionnelle mais la qualité d’être, elle existe. Mais je pense que l’on peut travailler sa manière d’être dans la vie et je suis convaincue que le taï-chi ou une autre pratique analogue, peut aider les personnes qui sont en difficulté dans leurs gestes.


14- Pensez-vous que l’on puisse établir un lien entre la singularité d’un toucher au piano et la personnalité intime du pianiste ?

Oui, il y a un lien invisible et profond, mais il ne faut pas non plus tout ramener à ce qu’on est. Lorsqu’on joue, il y a l’expression, une forme de sagesse. Je pense en disant cela à Wilhem Bachaus qui jouait les sonates de Beethoven. C’est une référence. On aurait envie d’être lui à 50 ans, lorsqu’on en a 20, mais bon, je crois qu’il est important d’accepter la personnalité que l’on a et heureusement, on peut travailler sur sa personnalité, c’est primordial.

Si on a une exigence artistique, on peut avoir une exigence sur soi-même et en travaillant sur soi, corporellement et spirituellement, on améliore son état musical ainsi que la possibilité de transmettre, de traduire une expression. C’est la différence entre la personnalité et le caractère, en fait. La personnalité, on dit que c’est ce qu’on apporte au caractère (dans le sens des traits du caractère.) Je pense à Dominique Merlet qui disait à mes parents, lors de notre dernière rencontre lorsqu’on évoquait le profil de l’artiste que ce qui est déterminant pour percer dans le monde musical en tant que pianiste, c’est de posséder un caractère battant, avoir une colonne vertébrale à toute épreuve, en un mot, être très solide.

La personnalité intime, c’est ce qu’on est au départ. Pour moi il y a un lien, puisque le toucher c’est l’expression. Je voudrais introduire la notion de sentiment au sens de sentir les choses, par l’intérieur, pour pouvoir les traduire de l’intérieur. C’est ça qui est là, au départ, sans que tu le cherches. Le sentiment artistique n’est pas détaché de l’humain. Cette vibration, l’écho, le « senti » du sentiment, c’est primordial pour la qualité artistique. Pour moi, c’est ça, la personnalité intime, et ça va donner une profondeur particulière au toucher.

Mais on peut aussi avoir un toucher magnifique et ne rien en faire. Je crois qu’en dehors d’une carrière professionnelle et je suis sûre qu’il y a beaucoup d’amateurs qui ont des qualités artistiques et de toucher phénoménaux et qui sont très proches de l’expression maximum mais à qui il manque ce caractère pour faire une carrière professionnelle. Mais c’est peut-être parce qu’ils ont d’autres qualités et se sont réalisés dans d’autres domaines. Peut-être que la pression du monde moderne, dans ce milieu-là, fait que certaines qualités n’ont pas cette force pour s’exprimer.


15- Quels Maîtres ont marqué votre parcours musical ?

C’est fondamental, à mon avis, pour un artiste d’avoir été marqué par un maître, d’avoir une référence pour quelqu’un que l’on admire parce qu’il est accompli et qu’il apporte ce à quoi on aspire et qui sera le phare dans notre vie.

Il peut y en avoir plusieurs. Moi j’ai été marquée par trois personnalités et quand on est plus jeune cela laisse des traces que l’on ressent plus tard, on n’en est pas toujours conscient au moment même, parce qu’on est un peu jeune. Après mes études à Colmar, j’ai eu Dominique Merlet pendant trois ans. À 18 ans, c’est un moment qui marque, parce qu’on est en attente, on a besoin de renouveler ce qu’on a appris. Dominique Merlet est venu à un moment où je pouvais ressentir tout ce qu’il m’a appris, profondément, et pour moi cela a été fondamental. J’y ai puisé la motivation pour continuer à me diriger vers le piano et ne pas aller vers une autre voie. Cela m’a soutenue dans ma recherche pour obtenir l’expression musicale, à travers le piano, la plus belle possible. Après Dominique Merlet qui a marqué, transformé ma façon de jouer, tout a été amplifié par Louis Hiltbrand à Genève. Il s’est inscrit dans une continuité : c’est la même source d’inspiration de travail et la même façon d’appréhender le piano et la musique, et là j’ai travaillé pendant six ans avec lui. C’est toujours ma référence, une double référence avec Dominique Merlet et justement dans ce travail de sonorité et de technique pianistique à travers le toucher très profond, le poids du bras et une recherche de sonorité, Louis Hiltbrand a réfléchi énormément à la manière de jouer, de faire sonner le piano pour que ça puisse traduire au maximum les sentiments intérieurs que l’on veut exprimer.

Dominique Merlet quand je l’ai connu, m’a fait connaître Schumann. Il m’a tracé une conduite d’interprétation et m’a donné les moyens pour y arriver. Dominique Merlet parlait de toucher arrondi, on a beaucoup travaillé les exercices de Brahms. Il a ouvert cette notion de legato de profondeur par le toucher arrondi justement pour réussir à égaliser la sonorité, mais la dimension personnelle de l’artiste n’apparaissait pas trop. Avec Louis Hiltbrand j’ai eu des discussions sur le rapport entre l’être et la musique. Louis Hiltbrand parlait plus particulièrement de sonorité. C’est lui qui m’a fait découvrir cette notion de « tirer- pousser » dont il avait parlé je crois avec Bertrand Ott (l’auteur du livre sur Liszt et la pédagogie du piano) surtout pour le jeu des accords mais aussi dans un mouvement plus intime dans une phrase musicale. Cette notion permet de libérer le mouvement du bras, car on est assez restreint dans nos mouvements et il faut trouver la détente.

Pour moi, il y a ces deux éléments pour le toucher :

- L’indépendance des doigts et le toucher arrondi qui permet aussi de trouver cette indépendance nécessaire ;

- La détente du doigt, afin d’éviter les mouvements inutiles.

Il disait que ce n’était pas la peine de faire trop de gestes, car ce qui importait, c’était le poids du doigt. On n’a pas toujours conscience de cette notion : se reposer sur ce doigt grâce à la position de la main. Quand un étudiant a accompli un certain nombre de choses, on peut reparler de ces notions et réfléchir.

La première chose à laquelle Dominique Merlet m’avait rendue attentive, c’est de ne pas s’asseoir trop bas pour sentir le poids du bras, et résister à ce poids du bras par la position de la main, ayant pour conséquence de tenir la phalangette : cela conditionne tout le toucher. Parvenir à trouver l’équilibre.

Il y a un mot que je n’aime pas : c’est l’attaque, pourtant cela n’a rien de guerrier, cela veut simplement dire l’impact du doigt sur la touche. Le toucher de près, c’est l’attaque lente, un impact plus vertical convient pour un compositeur comme Bartok par exemple. Et puis on a la main plus ouverte pour Chopin, Louis Hiltbrand le disait souvent et pour le jeu perlé de Mozart, un toucher plus digital, les doigts ont plus d’impact, de poids, l’impact de la touche est plus gras. La place de la main conditionne le toucher et sa place par rapport au clavier.

On peut être marqué par d’autres références : littéraires, des enregistrements. J’ai beaucoup aimé, personnellement le livre Mademoiselle sur Nadia Boulanger, je l’ai souvent relu.


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